Lettres et Culture Antique

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Journées d'études 2014 : PASSIONS DE SANG

samedi 22 mars 2014 - Salle polyvalente du lycée Pothier à Orléans


10 h : Dominique D'ALMEIDA
Ferus pater, scelestae sorores, pia uirgo : Hypermnestre et les noces sanglantes des Danaïdes
C'est une histoire familiale sanglante que celle de Danaos, de ses cinquante filles et de leurs cinquante cousins. Pour avoir consenti à l'ordre de leur père et avoir égorgé, au cours de la nuit même de leurs noces, les cousins qu'elles étaient contraintes d'accepter pour maris, toutes sauf une, Hypermnestre, furent, selon la légende, condamnées au châtiment infernal bien connu et souvent représenté. Le sang occupe donc une place centrale dans cette histoire : qu'il se rapporte à l'ascendance, au refus de la souillure, à la sauvagerie du meurtre ou au respect de la pietas, qu'il soit versé ou épargné, il mêle motifs politiques et motifs familiaux, introduisant le désordre dans la famille et dans la cité. Danaos et ses filles, en effet, en faisant couler le sang de parents ressentis comme des ennemis, se transforment en barbares impies, marqués par la feritas, tandis qu'Hypermnestre signifie son humanitas et sa pietas par son refus de verser le sang de son frère-époux Lyncée. C'est pourquoi les poètes latins, notamment Horace et Ovide, en font un personnage pathétique et, après eux, les dramaturges modernes classiques.
Professeur agrégée de Lettres classiques, Dominique d'Almeida enseigne en classes préparatoires au lycée Descartes de Tours.

10h30 : Jean-Louis BACKES
« Non, Madame, en mon sang ma main n'a point trempé »
Ce vers de Phèdre joue de la syllepse, une syllepse qui interroge la relation entre la famille et la mort dans le théâtre de Racine. Bon sang et mauvais sang se croisent et se joignent dangereusement, dans un rapport de contiguïté où s'expose l'une des sources majeures de la menace tragique.
Professeur émérite à Paris IV-Sorbonne, Jean-Louis Backès conduit de nombreux travaux dans le domaine des Littératures comparées. Il a notamment publié, en 2013, une nouvelle traduction de l'Iliade.

11h30 : Marie SAINT-MARTIN
« Sa robe yvre de sang hideusement degoutte » : Electre et le sang dans le théâtre français
L'Electre de Sophocle suscite à la fois la terreur, grâce au meurtre de Clytemnestre par Oreste, et la pitié, grâce à la scène centrale dans laquelle Électre pleure son frère mort. Les dramaturges du XVIIIe siècle sont animés à l'égard de cette intrigue d'un double mouvement qui révèle l'évolution à l'oeuvre dans la conception que l'on se fait de l'effet tragique : il s'agit, d'une part, de minimiser le sentiment d'horreur, en atténuant les effets du matricide, donc du sang répandu ; d'autre part, il faut tirer parti du caractère pathétique de l'intrigue, que l'on souhaite adapter malgré tout, grâce à l'exploitation des ressorts qu'offre le spectacle des liens du sang. Le déplacement du centre de gravité de la pièce accompagne la réflexion des théoriciens sur le concept de catharsis. La mise en oeuvre de ces deux moments clé, entre le XVIe siècle et le début du XIXe siècle, et d'un pays à l'autre, subit une série d'évolutions qui peuvent mettre en valeur une forme de balancement qui s'opère dans la définition du mot « sang » au théâtre : on pourrait, en simplifiant le propos, dire que l'on passe d'une dramaturgie du sang répandu, fondée sur la terreur (φόβος), à une dramaturgie des liens du sang, fondée sur la pitié (ἔλεος).
Docteur en Littératures comparées, Marie Saint-Martin enseigne en classes préparatoires. Elle a soutenu une thèse intitulée Etre soeur sur la scène tragique : Electre dans l'Athènes du Vème siècle et dans l'Europe moderne (1525-1880).

14h : Nicole LAVAL-TURPIN
À propos d'Électre de Sophocle : La logique du sang ou la loyauté familiale
Dans son essai La Violence et le Sacré, René Girard a dégagé le rapport étroit entre sexualité et violence, héritage commun des religions, et souligné comment la double nature de cette violence s'inscrit dans le sang répandu – celui qui rend fou / celui qui apaise – le pharmakos cher aux Anciens, et opportunément mis en scène par les tragiques. L'Électre de Sophocle semble propre à incarner la terrible logique de cette ambivalence : il s'agit de venger un père ignominieusement assassiné, ce qui relève d'un devoir sacré ; mais au-delà, se jouent peut-être d'autres passions aussi mortifères, relevant d'une « loyauté familiale » moins identifiée – toutes pourtant liées au γένος depuis ses origines. Dans ce cadre, les images de sang et de la hache sacrificielle deviennent motif dramaturgique et emblème d'une famille blessée. Au point de dessiner un phénomène propre à laisser exsangue, au sens premier, la lignée des Atrides. Le dénouement, relativement ouvert par rapport aux attendus du mythe, interroge une fois encore la place de l'Homme dans la mise en oeuvre de son destin.
Docteur en Littérature française et professeur agrégée de Lettres classiques, Nicole Laval-Turpin a enchanté jusqu'à tout récemment des cohortes d'étudiants des classes préparatoires littéraires au lycée Pothier.

14h30 : Nathalie CROS
"Octavie, entre dynastie impériale et filiation tragique."
L'Octavie du Pseudo-Sénèque, qui constitue pour nous le seul témoignage de tragédie romaine à sujet historique, pose la question du statut du personnage éponyme : l'épouse et soeur de Néron est éloignée et supprimée parce qu'elle n'a pas de place dans la dynastie que l'empereur entend fonder à partir de son union avec Poppée. Dès lors, la voix d'Octavie, mais aussi celles de sa nourrice et du choeur se répondent pour l'inscrire dans une lignée qui serait véritablement la sienne, entre mythe et histoire.
Ancienne élève de l'Ecole Normale Supérieure, Nathalie Cros est professeur de lettres supérieures au lycée Descartes à Tours.

15h : Emilia NDIAYE
« Mauvais sang ne saurait mentir » : filiation et monstruosité barbares chez Hippolyte, Phèdre et Médée dans le théâtre de Sénèque
Dans la perspective ouverte par l'ouvrage de Florence Dupont, Les monstres de Sénèque (1995), nous nous proposons de revenir sur trois des personnages du poète tragique, Hippolyte, Phèdre et Médée, selon l'optique des « passions de sang ». Sang est à entendre ici au sens de filiation, et est lié à la monstruosité dont les héros héritent : celle-ci se manifeste dans le scelus nefas, « crime impie », qui résulte de leur passion, acte lié à leur barbarie, réelle ou fantasmée. Hippolyte, fils d'une Amazone par essence barbare, est conduit à révéler toutes les facettes de la barbarie ; Phèdre se rêve en Amazone dans les forêts et éprouve, digne fille de sa mère, un « mal fatal » ; Médée, magicienne venue d'une contrée barbare, supprime sa descendance par le plus odieux des crimes, l'infanticide. Il s'agira de cerner le fonctionnement de ce sang barbare dans le schéma tragique de chaque pièce et de le mettre en relation avec la pensée du philosophe stoïcien telle qu'elle apparaît par ailleurs concernant le barbare.
Agrégée de Lettres classiques, Émilia Ndiaye est maître de conférences de latin à l'Université d'Orléans (POLEN). Sa thèse a porté sur l'étude lexico-sémantique de barbarus comme nom de l'étranger. Elle est directrice des Études anciennes à l'UFR des Lettres, Langues et Sciences humaines.

15h45 : Carole BOIDIN
L'amour familial, ce poison. La métamorphose "romanesque" du tragique familial chez Apulée.
Cette intervention s'organisera autour d'une lecture de l'histoire de la marâtre empoisonneuse racontée au livre X de L'Âne d'Or d'Apulée. Cette histoire, composée comme une réécriture de la Phèdre de Sénèque, l'ancre dans le contexte de la familia romaine et transpose le spectaculaire de la passion en un déferlement de péripéties narratives propres au "style milésien" que revendique l'auteur.
On verra, à l'occasion de cet exercice comparatiste, comment l'anthropologie peut nous aider à comprendre l'intertextualité antique.
Ancienne élève de l'Ecole normale supérieure, Carole Boidin est ATER à l'Université Paris Diderot-Paris 7, agrégée de lettres classiques et docteur en littératures comparées. Sa thèse portait sur « L'invention du conte comme forme littéraire. Lectures croisées de l'Âne d'or et des Mille et une nuits dans leurs versions anciennes et leurs reprises à l'époque d'Antoine Galland » et était dirigée par Florence Dupont (Paris Diderot – Paris 7). Elle s'intéresse à la littérature de jeunesse et aux contes et traditions narratives, sujets sur lesquels elle a publié des articles et des traductions.



Journée d'études 2013 : DU SIGNE AU SENS

samedi 2 février 2013 - Auditorium du Muséum d'Histoire Naturelle d'Orléans

Remerciements :

  • M. Philippe GUILLET directeur du muséum d'histoire naturelle d'Orléans pour son accueil).

  • M. Fulcran Teisseren, M. Patrick Voisin, Mme Nathalie Cros, Mme Anne Duprat, Mme Chrystelle Barbillon, M. Julien Pia, pour leur participation aux différentes conférences

  • Mme Isabel Dejardin, professeur de Lettres Classiques, en lettres et premières supérieures du lycée Pothier pour l'organisation de cette journée d'études à destination des étudiants de khâgne et hypokhâgne.

Matinée  : Signes antiques et élaboration du sens

10h : Fulcran Teisserenc : « Les chemins du signe dans le Cratyle de Platon »

Première grande réflexion occidentale sur le langage, le Cratyle est un dialogue énigmatique. Socrate y décrit d'abord la norme sémantique du nom (onoma), se livre ensuite à d'étonnantes recherches étymologiques, envisage enfin de trouver dans les lettres (grammata) elles-mêmes, grâce à leur faculté mimétique, les briques du sens. Le sérieux du début contraste avec le ton, plus ironique et fantaisiste, des deux parties suivantes, sur lesquelles nous nous attarderons plus spécifiquement : nous montrerons comment Socrate dénonce par la parodie tant la séduction trompeuse des origines que le rôle équivoque de la ressemblance « naturelle » pour expliquer et justifier l’institution du langage.

Docteur en philosophie, Fulcran Teisserenc enseigne en classes préparatoires au lycée Voltaire d’Orléans. Il a récemment publié aux Presses Universitaires de France une étude du Sophiste de Platon.

10h30 : Patrick Voisin : « Nom  de pays : le nom ! Carthage ou les valeurs du nom propre »

« C'était à Mégara, faubourg de Carthage... » : Kart Hadasht, mot aux sonorités feuilletées, n'est étymologiquement qu'une « Ville nouvelle », comme Naples et New York. Et pourtant ! De ce nom provient la Carthago des Latins – avec leur virago... –, la Carthage des Français –  dont le nom évoque phonétiquement le « rivage », par homéotéleute. Autrement dit, le nom propre a beaucoup à révéler quant au fonctionnement du signe, à sa signification, voire à sa plurivocité. C'est ce que nous apprendra un travail conduit à l'éclairage de Saussure, de Barthes, ou encore d'Hamon, pour ne citer qu'eux.

 Professeur en Lettres et Premières supérieures au lycée Louis Barthou de Pau, Patrick Voisin a notamment publié une traduction de la Germanie de Tacite aux éditions Arléa.

 11h15 : Nathalie Cros, « Du signe divin au sens humain : immanence du signe et interprétation »

Les dieux s’adressent aux hommes par signes : ils révèlent ainsi leur approbation ou leur colère. Qu’ils se manifestent spontanément par des prodiges, ou dévoilent leurs intentions au cours de consultations divinatoires menées par des spécialistes, les signes qu’ils donnent doivent d’abord être reconnus comme tels avant d’être décryptés et déchiffrés. La formulation de l’injonction ou de l’interdiction divine relève donc d’une collaboration, au sens d’un travail commun, entre les dieux et les hommes. La littérature témoigne de cette construction du sens à partir du signe, au cours de laquelle les rapports de pouvoir se précisent ou se contestent.

Ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure, Nathalie Cros est professeurs de lettres supérieures au lycée Descartes à Tours.

 

Après-midi : chemins du sens à l’âge moderne

14h : Anne Duprat : « Signes, traces, indices : sur la lecture comme déchiffrement »

De l'enquête tragique menée par le roi de Thèbes pour découvrir l'identité du meurtrier de Laïos, au développement du roman policier, en passant par les contes scientifiques du XVIIIe siècle, la lecture des fictions a été souvent comprise et bien souvent théorisée comme l'image textuelle du parcours fait par un héros pour déchiffrer les traces laissées dans le monde par une série d'actes devenus invisibles – passés, perdus, volontairement dissimulés ou recouverts par d'autre signes. On cherchera à montrer comment ce mode de fonctionnement particulier aux fictions à énigme, qui thématisent l'idée du monde comme texte à déchiffrer, peut se combiner avec quelques autres figures de la lecture comme décodage : modèle de l'exégèse biblique, paradigme indiciaire en histoire, ou hermétisme poétique.

Ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure, docteur en littératures comparées, Anne Duprat est Professeur à l’Université d’Amiens. Elle dirige notamment la collection « Méditerranea » chez A. Bouchène, et a publié en 2009 une étude intitulée Vraisemblances : Poétiques et théorie de la fiction, du Cinquecento à Jean Chapelain (1500-1670).

14h30 : Chrystelle Barbillon : « Entre familiarité et codification : pratiques et enjeux du signe dans la correspondance de Mme de Sévigné »

Située sur l’ambiguë frontière entre expression spontanée et travail d’écrivain, la lettre met en place une communication codifiée, à la fois régie par des codes littéraires et sociaux, et adaptée à une relation intime – et donc singulière – entre deux individus. En s’emparant de ce genre pour établir un lien régulier avec ses proches comme avec des correspondants plus mondains, Mme de Sévigné s’emploie à instaurer du jeu, au sens mécanique et ludique, dans cette rhétorique épistolaire codifiée au point de « faire signe » par elle-même, jusqu’à mettre en place une pratique très personnelle de ces codes. A travers les exemples des jeux sur l’onomastique (signe qui fige à l’extrême le rapport entre le signifiant et son unique signifié) et sur les formules de politesse ou de conventions sociales, nous montrerons comme la Marquise, tout en souscrivant au fonctionnement rigoureux du signe, le fait signifier à un autre niveau, comme espace de création poétique, de résonance de l’intimité, voire comme marqueur de littérarité.

Ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm et Docteur en Littérature, Chrystelle Barbillon enseigne en classes préparatoires au lycée Pothier. Elle a soutenu en 2011 une thèse sur les procédures de transposition du texte théâtral au texte romanesque au XVIIe siècle.

15h15 : Julien Piat : entretien

Julien Piat a participé à l’édition Pléiade des œuvres de Marguerite Duras parue chez Gallimard en 2011, sous la direction de Gilles Philippe. Il a notamment présenté et commenté, dans le premier volume de cette édition, Un barrage contre le Pacifique. Sa double expertise de l’œuvre de Marguerite Duras et de l’étude des formes stylistiques au XXe siècle nous permettra de l’interroger sur ces deux aspects. Comment un écrivain tel que l’auteur d’Un barrage contre le Pacifique forge-t-il sa langue ? Quelle influence le contexte de l’écriture exerce-t-il sur cette langue propre ? Et comment l’idiolecte d’un auteur rencontre-t-il le sociolecte de son époque et /ou du lecteur pour parvenir à l’édification d’un sens qui, par là-même, demeure mobile ?

Ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, et Maître de conférences à l’Université de Grenoble III, Julien Piat enseigne notamment la stylistique. Il a récemment participé à l’édition Pléiade des oeuvres de Marguerite Duras.

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Zoom sur le lycée

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